Petits conseils des grands patrons de la finance
La surchauffe immobilière ? Le surendettement des ménages ? À écouter les grands manitous des banques, les Québécois n’ont pas trop à s’en faire pour leurs finances personnelles.
Quand le patron de Desjardins observe les indicateurs sur son tableau de bord, tout va pour le mieux : les retards de paiement des cartes de crédit, les remboursements des prêts hypothécaires, les reprises de propriétés…
« Tout est au vert chez nous ! Et je suis convaincu que c’est comme ça pour mes collègues », lance Guy Cormier, président de la coopérative, en allusion à la couleur de sa marque de commerce. « C’est beau, le vert ! C’est une belle couleur, Louis », insiste-t-il avec un sourire taquin pour le patron de la Banque Nationale.
« Je suis un peu daltonien », blague Louis Vachon, qui n’est pas prêt à admettre si facilement que tout est vert dans sa banque au logo rouge vif, mais qui confirme volontiers que les indicateurs sont « positifs » chez lui aussi.
Même son de cloche de la part de François Desjardins, président de la Banque Laurentienne, qui est assis à leurs côtés dans la salle de conférence de La Presse pour une rencontre inédite entre les trois dirigeants de l’industrie bancaire au Québec.
J’ai profité de l’occasion pour glaner les meilleurs conseils financiers qu’ils avaient à offrir aux particuliers.
Même si tout va bien, les gens doivent devenir plus vigilants, dit Guy Cormier d’entrée de jeu. « Ça fait 10 ans qu’on vit dans un contexte de bas taux d’intérêt où il n’y a pas eu de chocs macroéconomiques qui ont affecté la réalité financière des gens », souligne-t-il.
Les jeunes n’ont jamais rien connu d’autre. D’ici trois à cinq ans, ils devront garder à l’esprit que les taux peuvent augmenter de 2 ou 3 % et qu’une récession peut survenir. « Ça a l’air vraiment basic, mais prenez le temps de faire un budget. Et donnez-vous une marge de manœuvre », suggère M. Cormier.
Le temps est l’atout le plus important dont disposent les jeunes. « Il faut commencer à s’occuper de ses finances le plus tôt possible. Il faut mettre de l’argent de côté rapidement, à chaque paie, sans arrêter », conseille François Desjardins.
Bâtir sa retraite, c’est loin quand tu as 20 ans, concède-t-il. « Demandez à un jeune quel est son intérêt à commencer à épargner pour la retraite… Ce n’est vraiment pas dans leurs priorités le vendredi soir. »
Et la faiblesse des taux d’intérêt n’encourage pas les gens à économiser. Mais la création de richesse vient d’abord et avant tout de la capacité à épargner. « C’est ton épargne qui fait que tu accumules de la valeur », rappelle le patron de la Laurentienne.
Avec des produits comme les marges de crédit hypothécaires, certains consommateurs oublient pourquoi ils empruntent.
« Est-ce pour acheter une maison qui va prendre de la valeur au fil des ans ou pour acheter des biens de consommation qui ont une valeur résiduelle de zéro ? », demande François Desjardins. Il trace le parallèle avec une PME. Si elle emprunte pour acheter une machine nécessaire à la croissance de l’entreprise, ça va. Mais si elle emprunte pour faire un gros party, les gens vont dire : « Ben voyons donc ! Il n’y a pas de pilote dans l’avion. »
« Emprunter constamment pour des biens de consommation, ce n’est pas une recette miracle », insiste M. Desjardins.
Fixe ou variable ? Un an ou cinq ans ? C’est l’éternelle question que Louis Vachon se fait poser par les particuliers. « Le choix des taux d’intérêt n’est pas en fonction de la prévision de taux d’intérêt, c’est en fonction de votre capacité d’absorber le changement de taux d’intérêt », répond toujours le président de la Nationale.
Si vous avez beaucoup de flexibilité financière, que les deux membres de votre couple travaillent, que votre taux d’endettement est faible, que vous êtes capable d’absorber une hausse de taux de 2, 3 ou 4 %, alors optez pour un taux variable.
Mais si c’est votre première maison, que vous êtes coincé entre votre hypothèque et le remboursement de votre sofa, que votre budget démontre que vous allez avoir des problèmes avec une hausse des taux de seulement 1 %, fixez votre hypothèque sur cinq ans.
Lors d’une assemblée annuelle, un actionnaire de la Banque Nationale est venu saluer Louis Vachon. Surveillant dans une cour d’école, il achetait régulièrement des actions de la banque et réinvestissait les dividendes. Après une quinzaine d’années, il avait accumulé 200 000 $ !
Un bel exemple de discipline et d’investissement à long terme. Or, le pire défaut des investisseurs est d’essayer de prédire le comportement de la Bourse et d’entrer et sortir du marché au mauvais moment. Même les professionnels n’arrivent pas à faire du « market timing », signale Louis Vachon.
« Si votre conseiller vous a gardé investi dans le marché depuis 30 ans [incluant en 1991 et en 2008], il a eu une grosse valeur ajoutée », dit le financier.
Parlant de conseiller financier, François Desjardins en profite pour lancer un dernier conseil : faites appel à un professionnel financier le plus tôt possible dans votre vie. Les études démontrent que les épargnants qui ont un conseiller sont 1,5 fois plus riches après 5 ans et 2,7 fois plus riches après 15 ans que ceux qui n’en ont pas.
C’est comme avoir un dentiste qui vous voit tous les six mois pour un examen de routine, compare le banquier. « Se faire rappeler constamment qu’on avait des objectifs financiers, qu’on voulait penser à notre retraite, qu’on voulait rénover la maison, ça ramène les gens sur le bon chemin. »
SOURCE DE L’ARTICLE
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